Poser des carreaux de terre cuite (pose à joints décalés)
Suite à un chantier participatif chez deux de nos adhérents sous la conduite de Monique CERRO ( http://terre-pierre-et-chaux.fr/+-monique-cerro-+.html ) et à une mise en pratique sur un autre chantier, voici quelques enseignements que nous avons pu tirer de notre expérience.
La pose de terres cuites est possible par un particulier averti, à condition de respecter quelques règles de base ; elle demande du temps, un outillage indispensable, de la « main d’œuvre » en nombre suffisant (3 à 4 personnes) et beaucoup de soin à chaque étape de la pose si on veut obtenir un beau résultat.
Le choix des carreaux :
Les carreaux posés autrefois étaient neufs, donc relativement homogènes en dimensions, texture et coloris (compte tenu bien sûr du caractère artisanal de leur fabrication). En revanche, les carreaux anciens de récupération qu’on peut se procurer aujourd’hui (leBonCoin, marchands de matériaux anciens…) sont souvent issus de lots différents ; sachant que les dimensions courantes des carreaux dans le Loiret peuvent varier de 15cm à 17cm…il faut y faire très attention lors de l’achat . Les différences d’épaisseur sont moins ennuyeuses : la pose sur chape fraiche permet de les compenser assez facilement. Surtout ne pas acheter des carreaux qui ont été reposés au ciment : celui-ci est quasiment impossible à éliminer. Faire attention à la qualité de la terre et à l’état des carreaux : certains sont friables ou ont des bords tellement abîmés que le résultat ne sera pas heureux (joints trop larges). Pour ceux qui ont été posés sur un lit de chaux, un trempage dans un bain d’acide chlorhydrique très dilué, un brossage et un rinçage suffisent à les nettoyer. En cas de stockage prolongé, les entreposer au sec (l’humidité entraine la formation de mousses, et le gel peut faire éclater des carreaux un peu poreux)
La préparation des carreaux :
Une fois nettoyés, les carreaux doivent être mis à tremper dans l’eau la veille de la pose ; il est astucieux de les trier par dimension (le cas échéant) pour avoir des rangées à peu près homogènes.
La technique de pose :
Nous avons posé sur chape fraiche, « à l’avancée », en étalant le mortier 2 rangées par 2 rangées.
La première étape consiste à déterminer le sens de pose : pour une pose à joints décalés (intéressante car elle permet de rattraper les petites différences de dimension) les rangées doivent être parallèles à la porte principale pour des raisons esthétiques. Il faut ensuite déterminer la ligne de départ de la pose ; l’équerrage des murs d’une maison ancienne n’étant pas parfait dans beaucoup de cas, on part en traçant au fond de la pièce (à l’opposé de la porte principale), une ligne parallèle à la porte (repères sur les murs), à une distance d’à peu près une rangée de carreaux du mur ; une fois cette rangée bien posée, on posera la rangée le long du mur en faisant les coupes nécessaires. On continuera ensuite du fond vers la porte. La qualité de pose de la rangée de départ est évidemment déterminante !
Les carreaux étaient traditionnellement posés bord à bord, sans joints, sur un lit de sable (ou terre) et de chaux ; nous souhaitons aujourd’hui pour l’entretien ultérieur et l’hygiène que les carreaux soient jointoyés, mais les joints doivent être aussi fins que possible.
Le calage des guides :
La chape de pose (3 à 5cm) doit être réglée par des guides (tasseaux bien droits, par ex) qu’on installe sur 3 plots de mortier à la hauteur souhaitée en vérifiant soigneusement les niveaux dans les 2 sens (une grande règle de maçon de 4m et un niveau sont indispensables). Au fur et à mesure de la pose, on fait coulisser les guides en ajoutant de nouveaux plots (vérifier les niveaux à chaque fois).
Le mortier :
Nous avons utilisé la chaux hydraulique NHL5 et du sable 0,4 pour le mortier de pose (5 seaux de sable et 1seau ½ de chaux). Le ciment est à proscrire, ici comme ailleurs, d’abord parce qu’il provoque des remontées de laitance dans le carreau et que la rapidité de sa prise ne tolère aucune reprise, alors qu’on peut facilement réparer des erreurs avec la chaux (on défait , on remouille et on refait…).
La pose :
Lorsque les guides sont bien en place, après avoir arrosé la dalle, on déverse le mortier sur une largeur d’à peu près 2 carreaux, on le tire à la règle et on le taloche légèrement. La pose peut commencer le long de la ligne qu’on a déterminée.
Avant de poser, on verse sur le mortier une barbotine chaux+eau assez liquide si le mortier est plutôt sec ou bien de la chaux en poudre si le mortier est bien mouillé. On fait adhérer le carreau en le pressant avec la main (on sent un effet « ventouse ») et on peut régler sa profondeur avec un maillet en caoutchouc (frapper sur toute la surface du carreau et pas trop fort !). On peut utiliser un morceau de gros tasseau appuyé sur plusieurs carreaux pour égaliser la frappe. La difficulté est de contrôler en même temps le niveau global et la planéité dans tous les sens et la linéarité : la grande règle est utile pour servir de guide à chaque rangée (pour la linéarité) ; elle permet aussi d’équilibrer la largeur des joints sur les 2 rangées successives.
Il est préférable de réaliser des rangées de carreaux homogènes en dimension (pour éviter de rattraper les différences par des joints trop larges) et d’alterner les rangées. Les carreaux de couleurs différentes peuvent en revanche se mélanger sans inconvénient.
Les coupes se font facilement à la carrelette électrique à eau.
Si le chantier n’est pas terminé, il convient de couper le surplus de mortier au ras de la dernière rangée ; on le remouillera pour reprendre la pose ultérieurement. Le reste de mortier peut être étalé en sous-couche sur l’espace restant à carreler.
Les joints :
Ils se font dans la foulée de la pose (ou le lendemain), avec de la barbotine composée d’une partie de chaux, d’une partie de sablon et d’eau (consistance d’une pâte à crêpes…) ; on fait couler la barbotine dans les joints, entre les carreaux, en la faisant bien pénétrer avec le tranchant de la truelle. Quand la barbotine commence à tirer, l’éponge mouillée permet d’égaliser le joint et de parfaire sa répartition sans creuser les joints ; le surplus de barbotine sur les carreaux est enlevé avec l’éponge fréquemment rincée; une petite éponge imbibée de vinaigre d’alcool élimine les traces de chaux à la surface des carreaux.
Matériel :
Bétonnière
Règles de maçon - Niveaux
Truelles - taloches – gants de maçon
Maillet en caoutchouc (utiliser la face plate)
Morceaux de gros tasseaux - Tasseaux pour les guides
Carrelette électrique à eau
Eponges (les éponges découpées dans un vieux matelas en mousse font parfaitement l’affaire) – vinaigre blanc
Chaux NHL5 - sable 04 – sable 01 (sablon)
………..Et un bon bain chaud le soir pour décontracter muscles et tendons…
Pour en savoir plus :
Monique CERRO : Dalles et sols (Eyrolles)